URBANITES COREENNES
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Quelles questions la Corée soulève-t-elle sur l’essence de ce qui fait la ville ? En quoi l’histoire urbaine de Séoul nous instruit-elle sur notre propre conception de la modernité ? Pourquoi ne construirait-on pas des grands ensembles au coeur de la ville ? Et si le droit à une vue dégagée depuis son appartement était aussi important que la protection des vieilles pierres qui sommeillent au coeur des centres historiques ? Que nous dit de la société coréenne l’esthétique des villes, des corps qui les habitent aux monuments qui les structurent ? Des mégacentres commerciaux aux espaces marginaux des jardins potagers, quels sont les nouveaux lieux de sociabilité des citadins?
Voilà quelques-unes des questions qui ont été chaudement débattues au cours des quatre journées du forum « Urbanités coréennes » tenu à la Cité de l’architecture & du patrimoine à Paris en avril 2016. À partir de onze films et documentaires, architectes, chercheurs et créateurs français et coréens ont interrogé les cultures urbaines en Corée, dans toute leur diversité. Cet ouvrage en restitue l’essentiel sous une forme originale. Tout comme les Anglo-Saxons publient des « lecteurs » (readers) qui sont des anthologies de ce qu’il faut avoir lu sur une thématique particulière, nous proposons ici un « spectateur » (viewer) critique des films qu’il faut avoir vu pour comprendre la ville sud-coréenne. |
Nombre de pages : 208 pages
Dimensions : 14,5 x 21 cm
Prix public : 22 000 wons/22 euros
Parution : octobre 2017
EAN : 979-10-91555-33-3
Dimensions : 14,5 x 21 cm
Prix public : 22 000 wons/22 euros
Parution : octobre 2017
EAN : 979-10-91555-33-3
Les auteurs :
Valérie GELÉZEAU, géographe, est maîtresse de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales, membre de l’UMR 8173 Chine, Corée, Japon et du Centre de recherches sur la Corée qu’elle a dirigé de 2008 à 2013. À partir de l’expérience des habitants, elle questionne la société coréenne contemporaine, notamment dans son rapport à l’espace : à Séoul, dans les villes nouvelles, à la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Elle a publié notamment Séoul, ville géante, cités radieuses (CNRS éditions, 2003) Séoul Mégapole (Autrement, 2011), et (avec Alain Delissen et Koen De Ceuster) Debordering Korea
(Routledge, 2013).
Benjamin JOINAU est maître de conférences à l’université Hongik en Corée, et chercheur associé au Centre de recherches sur la Corée. Il réside en Corée du Sud depuis 1994 et se consacre à l'étude anthropologique de l'imaginaire coréen à travers différents axes (l'hétérologie dans le cinéma, la ville et les régimes de visibilité), sur lesquels il a publié de nombreux articles et des livres, en français et en coréen. Il est aussi le co-fondateur et directeur de l'Atelier des Cahiers, éditeur spécialisé sur l'Asie de l'Est. Il a été lauréat du Prix culturel France-Corée en 2014.
(Routledge, 2013).
Benjamin JOINAU est maître de conférences à l’université Hongik en Corée, et chercheur associé au Centre de recherches sur la Corée. Il réside en Corée du Sud depuis 1994 et se consacre à l'étude anthropologique de l'imaginaire coréen à travers différents axes (l'hétérologie dans le cinéma, la ville et les régimes de visibilité), sur lesquels il a publié de nombreux articles et des livres, en français et en coréen. Il est aussi le co-fondateur et directeur de l'Atelier des Cahiers, éditeur spécialisé sur l'Asie de l'Est. Il a été lauréat du Prix culturel France-Corée en 2014.
Pour aller plus loin...
*Voici quelques suggestions de films et documentaires en supplément au livre :
(cliquez sur le titre pour avoir accès à la VOD gratuite)
(cliquez sur le titre pour avoir accès à la VOD gratuite)
Belteuraumeuro haejuseyo (Rebaptisez notre résidence Weltraum)
2015, MBC, Sisa Magazine 2580, n°951, 14 min 07, VOD gratuite, K Ce court documentaire traite d’un sujet qui pourrait sembler anecdotique, voire comique : le nom des complexes d’appartements. On y croise des propriétaires dont le groupe vient de fusionner avec un autre, entraînant la disparition de la « marque » de leur résidence. Pour d’autres encore, le nom et le logo de leur résidence leur semble « ringard » et souhaitent le faire changer. Pourquoi ces citoyens dépensent-ils leur énergie ainsi pour un problème apparemment futile ? C’est que la marque (le nom) d’un appartement lui donne de la valeur. Une autre illustration de cette addiction aux appartements si coréenne… |
Dream house by the border (Gyeong-gye-e-seo Kkum-kku-neun Jip)
Lyang Kim, 2013, 89 min, K, sub F La région de Cheorwon, en Corée du Sud, est à 20 kilomètres de la frontière entre Nord et Sud. Cette zone très rurale a été le théâtre de violents combats durant la guerre, et après l’armistice, du fait de sa position et de ses nombreuses mines disséminées sur le territoire, elle a été abandonnée pendant vingt ans. Puis le président Park décidé de défricher la région pour tirer partie de son potentiel agricole, envoyant des « colons » dans cette région montagneuse sur le modèle des kibboutzim israéliens. Pour cela, on a fait appel à des gens pauvres, avides de posséder une terre à tout prix. C’est cet exemple extrême de développement planifié de manière artificielle, sans considération de la qualité de vie de ses habitants, que la réalisatrice montre dans ce film à travers le portrait des habitants du petit village pris entre cette vie de quasi « prisonnier » dans cette zone frontière instable et leur impossibilité de revendre cette terre dont personne ne veut… |
Mulgwalli matgiradeoni (Quand la gestion de l’eau est confiée à un tiers)
Kwon Hee-jin, 2015, MBC, Sisa Magazine 2580, n°946, 12’35, VOD gratuite, K
Ce petit reportage de la chaîne MBC nous introduit à une question de plus en plus pressante en Corée du Sud : l’approvisionnement en eau courante. Dans le cas de la ville de Nonsan, faute de moyens, l’approvisionnement en eau potable a été confié à une compagnie privée, entraînant une forte augmentation du prix de l’eau pour les citoyens. Sans parler de l’asséchement régulier des nappes phréatiques... Ce documentaire pose la question de la gestion durable d’une agriculture extensive et du développement urbain galopant.
Kwon Hee-jin, 2015, MBC, Sisa Magazine 2580, n°946, 12’35, VOD gratuite, K
Ce petit reportage de la chaîne MBC nous introduit à une question de plus en plus pressante en Corée du Sud : l’approvisionnement en eau courante. Dans le cas de la ville de Nonsan, faute de moyens, l’approvisionnement en eau potable a été confié à une compagnie privée, entraînant une forte augmentation du prix de l’eau pour les citoyens. Sans parler de l’asséchement régulier des nappes phréatiques... Ce documentaire pose la question de la gestion durable d’une agriculture extensive et du développement urbain galopant.
Ode to my father (Gukje sijang)
Yun Je-gyun, 2014, 126 min, DVD, K, sub E
Résumé « compressé » de la « modernité comprimée » sud-coréenne de 1951 à maintenant ! Dans cette fresque qui entend conter l’histoire récente du pays à travers la vie d’un homme « normal » (comme le disent les slogans sur les affiches du film, c’est « notre histoire », et c’est celle du « père le plus normal »), on voit défiler dans un destin individuel les épisodes les plus emblématiques de cette histoire nationale récente : guerre, séparation des familles, pauvreté des années 1960-70 avec migration économique (Allemagne) qui génère une nouvelle diaspora coréenne, guerre du Vietnam (et relation ambiguë avec les États-Unis), développement économique entraînant la formation d’une classe moyenne urbaine (symbolisée pour la famille par l’accès à la propriété du magasin et le déménagement dans un appartement moderne, un apateu), la lente ouverture « multiculturelle » du pays...
Mais ce qui est intéressant, c’est de noter dans cette fable édulcorée (malgré le drame de la séparation du début, la scène des retrouvailles avec la sœur adoptée aux Etats-Unis, le dramatique accident de la mine et l’attaque du bateau au Vietnam) ce qui est absent du film : les manifestations contre Syngman Rhee, la dictature de Park Chung-hee (rapidement évoquée), les brutalités des soldats coréens au Vietnam, les événements de Gwangju en mai 1980, les Jeux olympiques de 1988, la démocratisation, etc. Ce tri sélectif de ce qui est à se rappeler dans l’histoire récente donne une vision nécessairement idéalisée de l’homme moyen coréen, qui a passé bien des tourments et des difficultés, mais en ressort tout de même grandi, tête haute. Duk-soo, ce père de famille qui, pendant tout le film, est un fils attendant le retour du père prodigue disparu pendant la guerre, devient un héros du quotidien, un héros anonyme. C’est encore un film qui tente de revaloriser l’homme coréen en lui redonnant une légitimité, non pas comme héros de guerre, mais par ses combats du quotidien pour sa famille et pour sortir de sa misère. C’est donc une épopée du « miracle du Han » qui est faite ici, en s’appuyant sur l’homme ordinaire comme agent plutôt que sur un récit national animé par des grands « acteurs ». Et il est intéressant de voir que la progression sociale permanente de la famille s’accompagne dans le scénario, à chaque étape, par un déménagement dans un habitat au standing croissant : taudis, maison individuelle, appartement…
Ce film a attiré 14,2 millions de spectateurs et est, en septembre 2017, le deuxième film le plus vu en salle de l’histoire sud-coréenne.
Yun Je-gyun, 2014, 126 min, DVD, K, sub E
Résumé « compressé » de la « modernité comprimée » sud-coréenne de 1951 à maintenant ! Dans cette fresque qui entend conter l’histoire récente du pays à travers la vie d’un homme « normal » (comme le disent les slogans sur les affiches du film, c’est « notre histoire », et c’est celle du « père le plus normal »), on voit défiler dans un destin individuel les épisodes les plus emblématiques de cette histoire nationale récente : guerre, séparation des familles, pauvreté des années 1960-70 avec migration économique (Allemagne) qui génère une nouvelle diaspora coréenne, guerre du Vietnam (et relation ambiguë avec les États-Unis), développement économique entraînant la formation d’une classe moyenne urbaine (symbolisée pour la famille par l’accès à la propriété du magasin et le déménagement dans un appartement moderne, un apateu), la lente ouverture « multiculturelle » du pays...
Mais ce qui est intéressant, c’est de noter dans cette fable édulcorée (malgré le drame de la séparation du début, la scène des retrouvailles avec la sœur adoptée aux Etats-Unis, le dramatique accident de la mine et l’attaque du bateau au Vietnam) ce qui est absent du film : les manifestations contre Syngman Rhee, la dictature de Park Chung-hee (rapidement évoquée), les brutalités des soldats coréens au Vietnam, les événements de Gwangju en mai 1980, les Jeux olympiques de 1988, la démocratisation, etc. Ce tri sélectif de ce qui est à se rappeler dans l’histoire récente donne une vision nécessairement idéalisée de l’homme moyen coréen, qui a passé bien des tourments et des difficultés, mais en ressort tout de même grandi, tête haute. Duk-soo, ce père de famille qui, pendant tout le film, est un fils attendant le retour du père prodigue disparu pendant la guerre, devient un héros du quotidien, un héros anonyme. C’est encore un film qui tente de revaloriser l’homme coréen en lui redonnant une légitimité, non pas comme héros de guerre, mais par ses combats du quotidien pour sa famille et pour sortir de sa misère. C’est donc une épopée du « miracle du Han » qui est faite ici, en s’appuyant sur l’homme ordinaire comme agent plutôt que sur un récit national animé par des grands « acteurs ». Et il est intéressant de voir que la progression sociale permanente de la famille s’accompagne dans le scénario, à chaque étape, par un déménagement dans un habitat au standing croissant : taudis, maison individuelle, appartement…
Ce film a attiré 14,2 millions de spectateurs et est, en septembre 2017, le deuxième film le plus vu en salle de l’histoire sud-coréenne.
Une co-édition Atelier des Cahiers / Cité de l'architecture & du patrimoine