Impressions papier hanji
Recueil de 10 nouvelles franco-coréennes
Quatre auteures
coréennes confirmées (telles Eun Hee-kyung ou Kim Ae-ran), six écrivains
français qui ont voyagé dans la péninsule (comme Alain Robbe-Grillet), y ont
vécu ou y vivent, telle est la rencontre inédite que l’Atelier des Cahiers propose « sur papier hanji », dans son deuxième volume de la collection Littératures.
Les « impressions » dont il s’agit, c’est un agencement de fictions, les unes sur le pays natal, les autres sur le pays hôte, les coréennes privilégiant le « je » à travers l’histoire familiale, les françaises se jouant de l’exotisme ou de l’anachronisme. Chacune, par la diversité des thèmes évoqués (l’enfance, le désir, l’histoire, la tradition, etc.) et la confrontation des regards, apportera au lecteur une image singulière de la Corée.
Les « impressions » dont il s’agit, c’est un agencement de fictions, les unes sur le pays natal, les autres sur le pays hôte, les coréennes privilégiant le « je » à travers l’histoire familiale, les françaises se jouant de l’exotisme ou de l’anachronisme. Chacune, par la diversité des thèmes évoqués (l’enfance, le désir, l’histoire, la tradition, etc.) et la confrontation des regards, apportera au lecteur une image singulière de la Corée.
Sommaire
- Préface par François Laut
- Alain Robbe-Grillet, Mon double coréen
- Kim Da-eun, Madame
- Antoine Coppola, La Véritable histoire de Li Jin et de son horrible sacrifice
- Choi Myeon-jeong, Pojangmacha
- Eric Szczurek, La Joueuse de baduk
- Stéphane Mot, De Vernis Seoulis
- Kim Ae-ran, Le Couteau de ma mère
- François Laut, Jours d'après
- Eun Hee-kyung, La voleuse de fraises
- Michel Louyot, Le Poète sans nom
- Glossaire
En exclusivité durant le confinement, découvrez en intégralité la nouvelle "La Véritable histoire de Li Jin et son horrible sacrifice" d'Antoine Coppola :
Préface
Si, comme le soutenait Italo Calvino, la première impression d’un pays est capitale parce qu’elle renouvelle la lecture du monde, que tout est y visible et neuf parce qu’étrange et inarticulé, pas encore assimilé dans les habitudes qui s’installeront plus tard, les impressions « sur papier coréen » que nous vous présentons ici, ont au contraire – pour filer la métaphore du fameux hanji – longtemps macéré ; elles sont soignées, complexes, à la fois épaisses et soyeuses, résistantes et malléables.
La question de la surprise ne se pose évidemment pas pour nos quatre auteurs coréennes qui offrent chacune, en tant que romancière et femme, une vision personnelle de leur pays, où, si étonnement il y a parfois, il se manifeste devant la médiocrité du quotidien ou le bien-fondé des règles sociales ; la question de l’exotisme, au sens de la virginité du monde, n’existe pas davantage pour nos six auteurs français, qui ont tous vécu, à une exception près, un séjour prolongé en Corée du Sud.
Les lecteurs des Cahiers de Corée reconnaîtront ici des écrivains familiers de la revue, avec des nouvelles reprises ou inédites ; ils en découvriront d’autres.
Nous ouvrons ce recueil par une courte fiction d’Alain Robbe-Grillet dans laquelle le narrateur débarquant à Busan et cherchant dans la foule ses hôtes coréens, tombe... sur son double. Allégorie de l’occidentalisation ? Effet-miroir du voyage ? Ni l’un ni l’autre, sans doute, mais une interrogation sur l’identité individuelle à quoi fera écho, en conclusion du volume, l’identité collective longtemps refusée à la péninsule coréenne, à travers l’évocation de Michel Louyot d’une geôle japonaise qui enferma un poète « sans nom. »
Du « double » à « l’anonyme », un parcours aux réalités originales, les affinités franco-coréennes étant de corps et de langue : si Antoine Coppola, sur le mode du pastiche et de l’anachronisme (La Véritable histoire de Li Jin et de son horrible sacrifice), comme Eric Szczurek, dans le tragique et l’actuel (La Joueuse de baduk), représentent les désirs érotiques nés entre des semblables aussi dissemblables que sont (apparemment) nos deux peuples, thème classique de la découverte de l’Autre, Kim Da-eun nous apprend, elle, le curieux changement sémantique d’un mot français adopté par sa langue (Madame) et les connotations ambiguës qui en découlent.
Mais nos Coréennes, dans des récits où la tradition confucéenne fait peser sur l’individu des liens familiaux contraignants, que chacune estime à sa manière, entre respect et critique, et au centre desquels trône une figure masculine paradoxale, hégémonique autant qu’elle peut être faible ou veule, profiteuse ou cynique, imposent un « je » fictionnel qui raconte des vies à l’enfance déterminante, par ses leçons, malentendus et drames.
C’est le bel hommage d’une fille à une mère, patronne de gargotte haute en couleur, chez Kim Ae-ran (Le Couteau de ma mère) ; le pouvoir d’un père joueur d’échecs sur son fils moins doué, mais condamné au même destin, chez Choi Myeon-jeong (Pojangmacha); le relativisme du bien et du mal, le refus du conformisme social, de l’ennui qu’il génère, jusqu’à la dérision de la piété filiale et l’aveuglement d’une mère, dans la cruelle Voleuse de fraises de Eun Hee-kyung.
On ajoutera : le contemporain plus que l’archaïque, ou les deux, indistinctement, comme dans Jours d’après, qui mêle au pays des Han moeurs anciennes et moeurs actuelles, dans une vision d’apparence onirique ; la ville, Séoul, sa démesure, ses chantiers, sa solitude et sa folie (De Vermis Seoulis, Stéphane Mot) plus que la campagne, déjà dans l’ombre de souvenirs douloureux...
Mais j’arrête là ce relevé de signes sur une piste de lecture largement ouverte, sans direction obligée, où chacun peut s’égarer à loisir et avoir sa propre impression...
par François Laut
Pour aller plus loin
Antoine Coppola, "La Véritable histoire de Li Jin et de son horrible sacrifice"
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